Si l’on en croit les articles qui foisonnent dans les magazines et blogs de santé, les produits laitiers seraient le mal absolu, accusés de toutes les affections, tous les troubles, tous les tourments. Pourtant les recommandations diététiques nationales et internationales placent les produits laitiers parmi les éléments de choix pour notre alimentation.

Alors qui croire ?

Nous allons voir que les clichés ont la vie dure. Entre militantisme, conflits d’intérêt et recommandations nationales, voyagez dans cet univers qui suscite les passions.

Pour démêler le vrai du faux nous avons examiné quelques affirmations au regard des connaissances scientifiques actuelles.

A quelques exceptions allergiques près, vous pouvez lire cet article en mangeant une tranche de votre fromage préféré ou en dégustant votre yaourt!

Etant donné le faible nombre de publications en libre accès sur ce sujet, nous vous transmettons ici certaines publications qui ne sont pas accessibles gratuitement. Vous pouvez nous adresser vos questions en commentaires.

Affirmation n°1: Les produits laitiers sont responsables de l’eczéma de l’enfant et de l’adulte:

Pas étayé par les preuves scientifiques

Je garde une certaine nuance car, bien que l’analyse des études ne montre pas de lien direct entre consommation de lait et déclenchement de l’eczéma chez les personnes qui ne présentent pas d’allergies, la qualité des dites études et la présence de conflits d’intérêts inquiète les observateurs.

L’eczéma se caractérise par des rougeurs cutanées et des démangeaisons liées à une réaction inflammatoire de la peau. Certaines allergies alimentaires, comme l’allergie au lait de vache ou aux œufs, peuvent être la cause de l’eczéma. Cependant, ce sont ces réactions allergiques qui sont responsables de l’eczéma.

Chez le jeune enfant

Le lait maternel est le régime alimentaire recommandé pour les nourrissons jusqu’à 6 mois voire 1 an, mais ce n’est pas toujours possible. Il est courant d’avoir recours à une formule à base de lait de vache pour compléter ou remplacer l’allaitement.

Les doutes des consommateurs concernant le lait de vache et sa capacité à induire allergies et eczéma ont conduit au développement de formules hydrolysées, dites hypoallergéniques (chacune de nos inquiétudes est un argument de vente pour un industriel).

Cependant, l’introduction de formules hypoallergéniques en complément ou en remplacement de l’allaitement ne modifie pas le risque de développer un eczéma chez le nourrisson (1,2,3).

Alors peut-être que c’est le lait de vache sous toutes ses formes qui induit l’eczéma… Apparemment non! Remplacer le lait de substitution à l’allaitement par des formules à base de soja ne montre pas de réduction du risque de développer une allergie alimentaire et un eczéma (4,5).

Enfin, la consommation ou la privation de lait de vache pendant la grossesse, ou l’allaitement, ne modifie pas non plus le risque que votre enfant développe un eczéma après la naissance (6).

Chez l’adulte

Bien entendu, si vous êtes allergique au lait de vache ou à un de ses composants (lactose, caséine…) vous pourrez développer un eczéma à cause de cette allergie. Supprimer les produits à base de lait de vache pourra vous être bénéfique.

En revanche, exclure le lait de vache chez les personnes qui n’y sont pas allergiques ne provoque aucune amélioration de l’eczéma ni de diminution du risque (7,8).

En cas de doute:

  • Si vous ou votre enfant développez un eczéma, n’hésitez pas à discuter avec votre médecin de la possibilité d’une allergie alimentaire. Il vous orientera vers la solution la mieux adaptée pour votre situation.
  • Pour les nouveau-nés, dans des familles avec des allergies alimentaires connues, il est possible d’établir un plan d’introduction des aliments à risque allergénique. Parlez-en au plus tôt avec votre pédiatre ou votre allergologue, ces interventions commencent généralement autour du quatrième mois après la naissance, afin de limiter le risque d’allergie alimentaire chez votre bébé.

Affirmation n°2: Les produits laitiers provoquent l’asthme

Pas étayé par les connaissances actuelles

Motivées par les inquiétudes de certains patients asthmatiques, plusieurs études ont mesuré l’effet de la consommation de lait ou de produits laitiers sur la production de mucus et la contraction des bronches dans les poumons.

Lait et fonction respiratoire

En comparant les capacités respiratoires chez des enfants de 6 à 18 ans après ingestion d’une ration de lait de vache ou une ration équivalente à base de soja, aucun effet sur les capacités respiratoires n’a pu être mis en évidence (9).

De la même façon, chez l’adulte asthmatique qui ne présente pas d’allergie au lait de vache, la consommation d’un verre de lait ne montre aucun changement significatif des capacités respiratoires (10).

Ce qu’il faut retenir

Même si les études ne sont pas nombreuses, l’état actuel des connaissances montre que la consommation de lait de vache n’est pas associée à l’asthme ou à une altération des capacités respiratoires.

Cependant, chez les asthmatiques, il est possible que la consommation de lait entier puisse altérer légèrement les échanges gazeux (11) sans que cela ne soit bien documenté (les allergies n’étant pas prises en compte dans l’étude mentionnée).

En revanche, les études montrent qu’un régime peu diversifié dès l’enfance, la faible consommation de fruits et de légumes et la présence d’allergies alimentaires sont associés à un risque accru de développer de l’asthme (12).

L’exposition au lait cru, principalement dans les populations fermières, présenterait même un effet protecteur contre l’asthme et les allergies (12,13).

Enfin, il est important de prendre en compte quel lait nous considérons. En effet, les animaux nourris principalement en pâturage produisent un lait riche en acides linoléiques conjugués qui ont un effet protecteur sur l’asthme (14). Les vaches de production laitière intensive, élevées hors pâturage, produiraient un lait avec des taux d’ acides linoléiques 90% inférieurs.

Affirmation 3: Les produits laitiers favorisent l’obésité

Contredit par les connaissances actuelles

Chez l’adulte, comme chez l’enfant, le lien entre consommation de produits laitiers et obésité ou surpoids a été très bien étudié. Les résultats sont sans appel. Il n’y a pas de lien de causalité entre la consommation de produits laitiers et le risque d’obésité.

Au contraire, la plupart des études montrent un effet protecteur de la consommation de produits laitiers sur le gain de poids, le risque d’obésité et le risque de syndrome métabolique (15,16,17,18).

Mais ces études vont encore plus loin et montrent que les recommandations de consommation de lait partiellement ou totalement écrémé ne sont pas fondées scientifiquement. Ce que l’on observe, c’est une diminution du risque d’obésité lorsque l’on consomme du lait entier par rapport à du lait écrémé (19,20).

L’effet protecteur du lait entier et des produits laitiers n’est pas encore totalement compris. Cependant, quelques auteurs suggèrent que le lait pourrait favoriser la satiété et limiter ainsi les prises alimentaires trop importantes, notamment d’aliments sucrés.

Affirmation 4: Les produits laitiers augmentent le risque de diabète

Tout d’abord, il convient de distinguer le risque de diabète de type 1 qui est lié à une réaction auto-immune et le risque de diabète de type 2 lié à une résistance à l’insuline.

Les produits laitiers augmentent le risque de diabète de type 1:

Vraisemblable chez le nourrisson en fonction du contexte

Il faut bien comprendre que le diabète de type 1 est un processus silencieux et précoce. Il détruit en secret les cellules du pancréas qui sécrètent l’insuline. La maladie ne se déclare qu’une fois que la production d’insuline est insuffisante. Parfois, des années après le déclenchement de la réaction auto-immune.

En l’état actuel des connaissances, ce qui paraît clair est que l’allaitement maternel (plus de 3 mois) et la supplémentation en vitamine D tôt après la naissance protègent contre le développement d’un diabète de type 1 (21,22,23).

A l’inverse, l’introduction précoce dans l’alimentation du lait de vache, des céréales, des fruits, ou des légumes racines (mais pas du fromage ou des yaourts) est associée à un risque accru de développer un diabète de type 1 en grandissant (21,24,25,26).

Les nourrissons qui présentent une barrière et une flore intestinale faible (naissance par césarienne, pas d’allaitement) développeraient une réaction immunitaire croisée entre les protéines des aliments et les cellules du pancréas. Néanmoins, l’utilisation de formules hydrolysées hypoallergéniques, où les protéines du lait sont réduites en fragments, ne protègerait pas contre le développement du diabète de type 1 en comparaison avec un lait en poudre classique (27).

Chez l’adulte

Chez l’adulte, le peu d’information sur le lien entre consommation de produits laitiers et développement d’un diabète de type 1 ne permet pas de se prononcer.

Par mesure de précaution, les personnes présentant des perméabilités intestinales peuvent limiter leur consommation de lait de vache. De même les personnes souffrant de troubles digestifs peuvent consulter leur médecin traitant pour identifier d’éventuelles allergies ou intolérances alimentaires.

Les produits laitiers favorisent le diabète de type 2

Contredit par les connaissances actuelles

Au contraire, la consommation de produits laitiers a un effet protecteur contre le risque de développer un diabète de type 2 (28,29,30).

En favorisant une baisse rapide de la glycémie après le repas (29), la consommation de produits laitiers réduit le risque de développer une résistance à l’insuline (30).

Parmi les aliments étudiés, la consommation de céréales complètes, de fruits, de produits laitiers, de soja ou de noix réduit le risque de diabète de type 2 (31,32).

A l’inverse, les boissons sucrées, la viande rouge et les farines raffinées représentent des facteurs de risque pour le développement d’une résistance à l’insuline.

Affirmation 5: La consommation de produits laitiers favorise certains cancers

Requiert de la prudence pour conclure

Si on regarde globalement, il n’y a pas de lien entre consommation de produits laitiers et risque de cancer (33,34). Il y aurait même un effet protecteur des produits à base de lait fermenté (yaourts, fromages…) (35).

Si on considère plus particulièrement certains cancers, la consommation de produits laitiers n’augmente pas, voire réduit, le risque. C’est le cas pour les cancers suivants:

  • Sein (36,37,38,39,40), cependant plus d’études sont nécessaires pour les cancers du sein hormonodépendants chez les femmes pré-ménopausées et post-ménopausées.
  • Cancer colorectal (41,42,33).
  • Endomètre (43).
  • Ovaire (44,45).
  • Vessie (46,47).

Par contre, des inquiétudes subsistent pour l’association possible entre consommation de lait et le risque de deux types de cancer. Le cancer de la prostate chez l’homme (48,49,50) et le lymphome non-Hodgkinien (51,52).

Cancer de la prostate

Le lien entre produits laitiers et cancer de la prostate anime encore les débats en raison de la qualité des études et de résultats parfois contradictoires (53,54,55,33).

Cependant, un nombre conséquent d’études suggère un lien entre forte consommation de lait et risque de cancer de la prostate.

Pour l’instant, il n’y a pas lieu de remettre en cause les recommandations nationales, mais il est raisonnable de recommander la variété aussi dans les produits laitiers. Les gros consommateurs de lait et qui présentent des risques supplémentaires de cancer de la prostate devraient envisager une réduction de leur consommation.

Lymphome non-Hodgkinien

Maladie du système immunitaire, le lymphome non-Hodgkinien est relativement fréquent dans les sociétés occidentales.

Le lien entre ce type de lymphome et la consommation de produits laitiers a été suggéré il y a une dizaine d’années, après que des chercheurs ont observé une élévation des marqueurs d’allergie au lait chez les patients souffrant de lymphome non Hodgkinien (56).

Cependant, peu d’études ont évalué le risque engendré par la consommation de lait et de produits laitiers sur ce type de cancer. Les données disponibles suggèrent néanmoins un risque modéré qu’il est nécessaire de prendre en compte dans notre alimentation (57,58,59).

Pour les personnes à risque (immunodéprimés, histoire familiale de ce type de lymphome…) et les personnes ayant déjà développé ce type de cancer, vous pouvez discuter avec votre médecin ou votre oncologue de votre consommation de lait et de produits laitiers.

Il est également important de prendre soin des apports en acide gras dans son alimentation (60). Cela renvoie aussi au type de lait et de produits laitiers que l’on consomme, les laits de vache bio, produits en pâturage, ont un bien meilleur profil que ceux des vaches d’élevage intensif (61).

Alors les produits laitiers?

En conclusion, nous pourrions dire que tout est dans la mesure! En effet, la consommation de produits laitiers ne pose pas de problème identifié dans le cadre d’une alimentation saine et équilibrée.

Par contre, une trop grande consommation de produits laitiers associée à une alimentation peu variée et pauvre en aliments sains n’est bien entendu pas souhaitable.

Il n’y a pas lieu de contester les recommandations nationales. Nous pouvons néanmoins ajouter que la consommation de lait fermenté (yaourt, kéfir, fromage) représente un atout supplémentaire dans notre alimentation. Les bienfaits de ces produits sont attribués aux ferments pro-biotiques qu’ils renferment et leur teneur réduite en facteurs de croissance.

Il est important de noter que les apports des produits laitiers en protéines, en acide gras, en calcium ou en phosphore peuvent également, avec de bonnes connaissances diététiques, être couverts par une alimentation végétale.

De quoi varier les plaisirs!

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